Rumba congolaise, les héroïnes » : la mémoire musicale au féminin redessinée par Yamina Benguigui.

Par une mise en lumière inédite, la réalisatrice franco-algérienne Yamina Benguigui rend hommage aux figures féminines de la rumba congolaise, longtemps reléguées dans l’ombre de leurs homologues masculins. Son nouveau documentaire, projeté à Brazzaville dans le cadre du Fespam, redonne voix et visibilité à celles qui ont façonné, parfois dans l’anonymat, l’un des plus grands patrimoines culturels d’Afrique.

Une mémoire restituée

Intitulé Rumba congolaise, les héroïnes, le film s’attache à revisiter l’histoire musicale des deux Congo à travers le prisme de ses pionnières. Pendant une heure, Yamina Benguigui tisse un récit mêlant images d’archives, entretiens intimistes et séquences contemporaines. L’œuvre, dévoilée au Canal Olympia de Brazzaville dans le cadre du Festival panafricain de musique (Fespam), s’inscrit comme un geste de réparation culturelle et historique.

En redonnant place aux visages féminins de la rumba, la réalisatrice s’écarte d’un récit traditionnel trop souvent monopolisé par des figures masculines telles que Franco, Papa Wemba ou encore Koffi Olomidé. Elle révèle ainsi la richesse et la complexité d’un pan méconnu de l’histoire musicale africaine.

Des trajectoires marquées par la lutte

Le film met en lumière des artistes telles que Mbilia Bel, Faya Tess, Barbara Kanam ou encore les sœurs Mayoundou. Leurs témoignages dévoilent les coulisses d’un combat pour la reconnaissance dans un univers dominé par des logiques patriarcales, où la réussite artistique impliquait trop souvent des renoncements personnels.

Mbilia Bel, légende vivante de la rumba, y livre un constat sans fard sur une carrière de plus de quatre décennies marquée par l’absence de droits d’auteur et de rémunération équitable. « La musique aime la liberté », confie-t-elle, avant d’évoquer son projet de créer une école de musique destinée aux jeunes filles, afin de leur transmettre les clés de leur autonomie artistique.

La rumba comme vecteur d’émancipation

Plus qu’un genre musical, la rumba congolaise apparaît ici comme un outil d’affirmation identitaire et de libération. « On ne peut parler de la condition féminine sans évoquer la rumba », souligne Barbara Kanam dans le film. Une idée que partage un historien interrogé dans le documentaire, pour qui « danser, célébrer, c’est résister ».

Le propos du film dépasse donc le simple hommage : il interroge les mécanismes de domination à l’œuvre dans l’industrie musicale, tout en exaltant la capacité des femmes à s’en affranchir par l’art.

Une culture toujours vivante

Loin d’être un regard nostalgique sur le passé, le documentaire affirme la vitalité de cette tradition musicale dans le présent. La slameuse congolaise Mariusca Moukengue, figure montante de la scène culturelle, y affirme : « La rumba est une part essentielle de notre quotidien. Elle résonne partout, dans les maisons, dans la rue. Elle est inscrite dans notre chair. »

Le Fespam, événement emblématique de la musique panafricaine, en offre une résonance contemporaine. Cette année, la programmation met particulièrement en avant les artistes féminines, dans une volonté de rééquilibrer le récit collectif.

Une redéfinition symbolique

À travers Rumba congolaise, les héroïnes, Yamina Benguigui signe une œuvre engagée, sensible et nécessaire. Elle réinscrit les femmes au cœur d’une histoire culturelle qu’elles ont contribué à écrire, mais dont elles ont trop souvent été effacées. Ce documentaire invite à revisiter l’héritage de la rumba sous un angle renouvelé, où l’émotion rejoint la vérité historique.

Le film est désormais disponible sur la plateforme myCANAL.

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