À l’occasion du centenaire de la naissance de Patrice Emery Lumumba, la Belgique organise une série d’événements culturels et mémoriels pour saluer la mémoire de celui qui fut le premier Premier ministre de la République démocratique du Congo. Symbole de la lutte anticoloniale, son héritage continue de résonner au sein de la diaspora congolaise et au-delà.
Ce mardi 2 juillet marque le début des commémorations du centenaire de Patrice Lumumba à Bruxelles. Une initiative qui vise à honorer la mémoire de ce leader historique, dont l’engagement pour l’indépendance du Congo et la souveraineté africaine lui a valu, après son assassinat en 1961, une reconnaissance posthume internationale.
Une programmation artistique et pédagogique
Parmi les temps forts de cette commémoration figure l’exposition « Lumumba : 100 ans », prévue du 3 au 30 juillet au Centre culturel congolais de Bruxelles. Cinq jeunes artistes issus de l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa y proposeront des œuvres contemporaines inspirées des idéaux portés par Lumumba, mettant en lumière les enjeux actuels de la société congolaise. Des activités pédagogiques, dont un atelier dédié aux enfants, viendront compléter cette exposition.
Autre moment clé du programme : une conférence-débat intitulée « Héritages », programmée pour le 5 juillet, qui réunira historiens, penseurs africains et membres de la société civile pour débattre de l’impact durable de la pensée lumumbiste dans le contexte postcolonial. À cela s’ajoute la projection, déjà tenue le 29 juin, du documentaire « Soundtrack to a Coup d’État », une œuvre saluée par la critique et sélectionnée aux Oscars, qui revient sur les événements entourant l’indépendance du Congo et l’assassinat de Lumumba.
Une mémoire encore vive dans la diaspora
Au sein de la communauté congolaise de Belgique, ces hommages revêtent une signification particulière. Lumumba incarne, pour beaucoup, une figure de dignité, d’émancipation et de combat contre l’ordre colonial imposé. Son accession à la tête du gouvernement en 1960 avait symbolisé l’espoir d’un nouveau départ pour le Congo, alors tout juste libéré du joug belge. Mais cet espoir a été rapidement brisé.
Quelques mois après son élection, le pays sombre dans l’instabilité : mutineries, sécession katangaise, pressions internationales… En septembre 1960, Lumumba est renversé. Capturé, transféré à Élisabethville (actuelle Lubumbashi), il est exécuté en janvier 1961 par des éléments séparatistes, avec l’implication active de puissances étrangères. Son corps fut détruit, ne laissant qu’une dent, aujourd’hui devenue relique mémorielle.
Un passé colonial qui interroge toujours
La question de la responsabilité de la Belgique dans la mort de Lumumba reste au cœur d’un débat historique et politique. En 2002, le Premier ministre d’alors, Guy Verhofstadt, avait reconnu une responsabilité morale et présenté des excuses officielles. Deux décennies plus tard, en 2022, Alexander De Croo réaffirmait cette position, soulignant le rôle troublant joué par Bruxelles dans cette affaire. Cette même année, la dent de Lumumba, conservée pendant des décennies par un ancien policier belge, a été restituée à sa famille, marquant un moment fort de réparation symbolique.
Mais la quête de justice ne s’arrête pas là. En juin dernier, le parquet fédéral belge a annoncé qu’il envisageait de poursuivre Étienne Davignon, ancien diplomate de 92 ans, dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat. Il pourrait devenir le premier responsable belge à être jugé pour son implication dans ce crime d’État, plus de soixante ans après les faits.
Un héritage panafricain
Aujourd’hui encore, Lumumba continue d’inspirer des générations d’Africains et de militants à travers le monde. Martyr du panafricanisme, il est devenu une figure incontournable des luttes pour la souveraineté des peuples. Les célébrations organisées à Bruxelles ne sont pas seulement un devoir de mémoire, mais aussi un moment de réflexion sur les héritages coloniaux et les voies vers une justice historique.
Patrice Lumumba, dont la voix résonnait pour l’autodétermination des peuples africains, laisse derrière lui une empreinte indélébile. Soixante-quatre ans après sa mort, sa mémoire ne cesse d’interpeller le passé colonial européen et d’éclairer les combats contemporains pour l’égalité et la justice.
La Rédaction
© Image droits tiers – BELGA PHOTO NICOLAS MAETERLINCK