La République démocratique du Congo (RDC), principal producteur mondial de cobalt, envisage sérieusement de reconduire l’interdiction temporaire des exportations de ce métal stratégique, selon plusieurs sources proches du dossier. Cette décision s’inscrirait dans le cadre de discussions plus larges sur la mise en place de quotas pour l’exportation de batteries destinées aux véhicules électriques.
Une prolongation motivée par des enjeux de répartition
Entrée en vigueur en février pour une durée initiale de quatre mois, l’interdiction actuelle expire ce dimanche. Mais d’après quatre interlocuteurs familiers des délibérations gouvernementales, Kinshasa pourrait maintenir cette mesure afin de se donner le temps nécessaire pour élaborer un mécanisme de répartition équitable des quotas entre les différentes entreprises minières opérant sur le territoire.
Cette interdiction avait été instaurée dans le but de contenir une offre excédentaire et de freiner la chute du cours du cobalt, qui a récemment touché son plus bas niveau en près d’une décennie, avoisinant les 10 dollars la livre (soit environ 22 000 dollars la tonne).
Des industriels divisés sur la stratégie congolaise
La perspective d’un encadrement des exportations par quotas ne fait toutefois pas consensus parmi les principaux acteurs du secteur. Glencore, deuxième producteur mondial de cobalt, s’est montré favorable à l’initiative. À l’inverse, le groupe chinois CMOC, qui domine la production congolaise, milite pour une levée immédiate des restrictions.
Eurasian Resources Group, autre acteur majeur implanté en RDC, partage cette dernière position. Une source proche de l’entreprise indique que le groupe attend désormais des clarifications de la part des autorités congolaises sur les modalités précises de mise en œuvre des futurs quotas.
Un débat gouvernemental encore ouvert
Du côté des autorités, le consensus est loin d’être acquis. D’après Zack Hartwanger, responsable régional Afrique chez le négociant suisse Open Mineral, le gouvernement congolais reste divisé sur la suite à donner à cette interdiction.
« Certains responsables redoutent l’impact de cette mesure sur les recettes publiques, l’emploi local ou encore les circuits informels de commercialisation », précise-t-il.
Ce dilemme souligne les tensions entre les ambitions de politique industrielle du pays — visant à transformer davantage de matières premières sur place — et les réalités économiques auxquelles il est confronté.
Silence officiel sur les intentions à venir
Contactés par l’agence Reuters, ni le ministère des Mines ni l’Autorité de régulation des substances minérales stratégiques (ARECOMS) n’ont souhaité commenter les discussions en cours. Le groupe CMOC non plus n’a pas répondu aux sollicitations.
Pendant ce temps, la production congolaise de cobalt poursuit sa progression, portée notamment par les deux grandes mines exploitées par CMOC, où le cobalt est extrait en tant que sous-produit du cuivre. Cette augmentation de l’offre intervient cependant dans un contexte de demande atone, les perspectives du marché des véhicules électriques s’étant récemment assombries.
La RDC, qui représente environ 70 % de l’offre mondiale de cobalt, se trouve ainsi à un tournant stratégique : arbitrer entre la nécessité de maximiser ses revenus à court terme et celle de bâtir une filière locale à plus forte valeur ajoutée à moyen et long termes.
La Rédaction
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